ELIAS KHLAT INTERVIEWÉ PAR LES ÉLÈVES DE 4ÈME

ELIAS KHLAT INTERVIEWÉ PAR LES ÉLÈVES DE 4ÈME

Un élève : Comment l’idée de faire ce film vous est-elle venue ?

Elias Khlat : L’idée de départ est de documenter des activités de la ville qui sont en voie de disparition. Nous avons commencé par le vendeur de café, puis a suivi un autre film sur les faiseurs de bateaux en maquettes (Bahr el Madina) et le troisième, ayant pour sujet les salles de cinéma oubliées de la ville, est en cours de production. On essaie de documenter, le mieux possible, tout ce qu’on espère ne pas perdre.

E : Pourquoi avoir choisi spécialement un vendeur de café ?

E.K : Les vendeurs de café ambulants sont actuellement rares. Nous l’avons choisi aussi parce que le lieu où il exerce son métier, c’est la ville.

E : Combien de temps a duré le tournage ?

E.K : C’est une question très importante. La durée accordée au tournage dépend de façon directe des moyens financiers dont on dispose. Quand on a beaucoup d’argent, on met beaucoup plus de temps. Or, nous avons tourné ce film en deux jours.

E : Pourquoi avez-vous choisi cette musique plutôt qu’une musique orientale ?

E.K : Si j’avais choisi une musique orientale, le film n’aurait peut-être pas attiré un public oriental. En effet, on a choisi une musique passe-partout, ni orientale ni occidentale. C’est un petit tempo qui se répète. Ce n’est pas une musique qui a été spécialement faite pour ce film.

: Et le bruit des tasses de café ?

E.K : Il a été enregistré et passé à plusieurs reprises dans le film.

: Avez-vous débarqué à l’improviste avec vos caméras devant le marchand ambulant, comme ça, sans le prévenir ?

E.K : Non. Nous avons parlé avec ce monsieur. Nous lui avons expliqué ce que nous allions faire.

: Et les autres gens qu’on voit devant la caméra ?

E.K : Justement, il y a aussi les autres gens. C’est un effet important : il y a des choses qui se préparent, il y en a d’autres qui ne se préparent pas. Je te remercie pour la question parce que ça me rappelle quelque chose en fait. Le vendeur de légumes ambulant ne figurait pas dans notre synopsis. Mais il nous suivait parce qu’il voulait à tout prix un café de Abou Abdo auquel il est habitué, auquel il est en quelque sorte fidèle. Donc, nous avions le choix entre arrêter de filmer ou continuer de filmer. Nous avons choisi de continuer. Mais nous avons évidemment eu son accord. Nous lui avons fait signer un papier. Il faut faire attention au droit à l’image. Il faut que les gens soient d’accord, soit par preuve écrite soit directement sur vidéo.

: Puisqu’il ne s’agit pas d’acteurs professionnels, est-ce qu’ils improvisent ce qu’ils vont dire ? Est-ce qu’il vous est arrivé de leur faire répéter ?

E.K : Avec Abou Abdo, oui parce qu’il n’est pas habitué à la caméra. Avec lui, il fallait parfois refaire des choses : couper, recommencer, reposer la question, couper, recommencer… Il fallait parfois même revenir un autre jour.

: C’est vous qui avez préparé les réponses du marchand ambulant ?

E.K : Non. Elles ne sont pas préparées. Les questions sont préparées et on lui laisse la liberté de répondre.

: Comment avez-vous fait la connaissance d’Abou Abdo ?

E.K : Abou Abdo est un oiseau rare. C’est par l’intermédiaire de quelques amis qui sont des clients fidèles d’Abou Abdo. Donc, il n’a pas du tout hésité à accepter. En plus, il ne perdait rien. Durant le tournage, le café a été offert aux gens sur notre passage. Mais par contre, ce café nous l’avons payé à Abou Abdo  pour qu’il ne perde pas deux journées de travail.

: Parlez-nous de votre prochaine production.

E.K : Cinéma l madina est en cours de production. Il a pour sujet les salles de cinéma historiques qui sont actuellement fermées. Il y en a 29. C’est un nombre vraiment immense.

: Quelles autres films avez-vous envie de faire sur Tripoli ?

E.K : Après la série de documentaires, je pense que je vais me tourner vers la réalisation de films de fiction qui touchent à la vie presque quotidienne, aux problèmes quotidiens des gens. Par exemple, vous savez, la question des réfugiés touche des pays un peu partout dans le monde, parmi lesquels il y a le Liban. Cette année à Berlin, au festival du cinéma de Berlin, le film qui a gagné le premier prix est un documentaire sur les réfugiés. C’est une première ! Ce qui me touche aussi, ce sont les événements de Tebbéné et Jabal Mohsen. Nous avons un scénario sur ce thème-là, inspiré d’une nouvelle qu’a écrite une personne que vous connaissez bien. C’est Madame Rima Moubayed. Mais on attend toujours des fonds pour pouvoir tourner ce film.