Enseigner le français autrement, en temps de confinement
Mme Rima Mobayed, professeur de lettres, témoigne de l’expérience de l’enseignement du français à distance.
Voici l’article qu’elle a rédigé. Bonne lecture.
Enseigner à distance est une véritable aventure. Garder le contact avec ses élèves, les mobiliser de manière efficace, leur proposer des contenus variés et pertinents, les accompagner, les inciter à progresser chacun à son rythme… autant de défis à relever au quotidien. Les ressources disponibles en matière de technologies de l’éducation ne manquent pas : une large panoplie d’applications, de sites, d’outils numériques divers … Il en existe pour tous les publics, tous les goûts et tous les besoins.
Pour raison de confinement, c’est donc à distance qu’une séquence sur le thème “Dénoncer les travers de la société” a été lancée en classe de 3ème. Le travail a démarré en dehors des quatre murs de la classe, ces murs traditionnellement sécurisants pour le professeur qui a appris, au prix de longues années d’expérience, à vérifier dans le regard, dans la voix et dans les moindres réactions de ses apprenants l’efficacité de sa démarche; sécurisants aussi pour les élèves qui collaborent au sein du groupe classe pour construire leurs apprentissages tout en guettant le sourire approbatif et les conseils constructifs de l’adulte en charge. A partir du moment où l’enseignement à distance est devenu une obligation, le professeur a cherché naturellement les moyens d’adapter son savoir-faire aux nouvelles circonstances.
Tout a démarré par le traditionnel remue-méninges. Un petit travail de recherche a été demandé pour aider l’élève à découvrir le sens de quelques mots-clés se rapportant au thème et pour l’inviter à émettre des hypothèses sur le contenu de la séquence. En guise d’évaluation diagnostique, nos jeunes collégiens ont découvert, en autonomie, une illustration satirique du célèbre Quino. Ils devaient s’en inspirer pour produire un récit dans lequel ils mettent en avant ce que le dessinateur cherche à dénoncer. Les textes produits et lus ont été envoyés au professeur sous forme de fichiers audios dont quelques-uns ont fait l’objet d’une publication sur le site de l’école. Une capsule vidéo ainsi qu’une grille d’évaluation individuelle (voir modèle ci-dessous) ont été renvoyées par mail à chacun des élèves, notamment pour permettre à ces derniers de se situer par rapport aux objectifs ayant fait l’objet d’un apprentissage préalable (ici, “rédiger un court récit” et “lire à voix haute de manière expressive”) ainsi que par rapport à l’objectif à atteindre au terme de la nouvelle séquence (“comprendre les visées et les modalités de la satire”).
La lecture analytique d’un portrait satirique extrait des Caractères de La Bruyère s’est déroulée en plusieurs étapes. Les élèves ont reçu d’abord un enregistrement de la lecture offerte du texte réalisée par un comédien. Un questionnaire Google Forms a permis au professeur de recueillir les premières impressionsde lecture accompagnées d’une brève justification, toujours très précieuses pour orienter l’analyse du texte. Les statistiques générées automatiquement par l’application utilisée ont été communiquées aux élèves dans une capsule vidéo conçue de manière à orienter la lecture et proposer une problématique inspirée des réponses données. Les questionnaires préparés sur Google Forms sont appréciés par les élèves qui les remplissent rapidement et facilement en utilisant leur téléphone portable ou leur tablette. Les questions sont très variées: questions à choix multiples, cases à cocher, liste déroulante mais aussi la possibilité de saisir des réponses courtes ou longues. Cette application en ligne génère en un tour de main, à l’intention du professeur des graphiques et des tableaux excel lui permettant de recueillir, trier et analyser les réponses obtenues.
D’autres questionnaires ont été conçus sur le même modèle avec pour objectif d’approfondir l’analyse du corpus étudié. Une réponse argumentée a fait l’objet d’une évaluation formative. Une grille d’évaluation par compétences a été envoyée par mail à chaque élève avec les conseils nécessaires à l’amélioration de la qualité du travail.
Dès lors, il a fallu imaginer un moyen efficace pour remplacer l’indispensable face à face au cours duquel l’élève a l’occasion de s’exprimer sur les apports des activités réalisées et sur les difficultés qu’il a pu rencontrer. Un questionnaire Google Forms a encore une fois fait l’affaire.
L’examen minutieux des résultats a servi à la préparation du contenu de deux séances de cours dispensés en ligne en utilisant l’application Hangouts Meet et consacrées à expliquer les divers procédés hyperboliques et leur fonction dans un texte satirique.
Pour l’évaluation sommative, 3 niveaux de difficulté ont été observés dans la formulation des consignes. Cette différenciation vise à conforter les élèves à distance et à leur donner les moyens de réussir à appliquer les méthodes apprises pour l’analyse des textes littéraires, chacun à son niveau.
Finalement, les élèves ont rédigé eux-mêmes des portraits satiriques dans lesquels ils dénoncent des défauts observés dans la société où ils vivent. L’utilisation de l’application Google Docs leur a permis de saisir leur brouillon et leur texte en remplissant un canevas proposé par l’enseignant. Au cours d’une séance en visioconférence co-animée par le professeur de Lettres et celui d’Arts Plastiques, les élèves recevront les consignes nécessaires pour illustrer leurs textes sur le mode de la caricature.
Assurer la continuité des apprentissages dans le cadre de cet échange à distance a été possible surtout grâce à l’engagement et à la bonne volonté d’un grand nombre de nos élèves de 3ème qui ont accepté, eux aussi de relever le défi.
Rima Mobayed professeur de lettres au lycée Alphonse de Lamartine.